Alan, Red et Smitty passent leur été sur la côte du New Jersey. Pour tuer le temps, ils traînent dans les rues le jour, et s’adonnent à des cambriolages la nuit tombée. Lorsque l’un d’entre eux met la main sur un joli butin, les amitiés au sein du gang se retrouvent ébranlées, laissant place à une tragique escalade de suspicion et de violence.

Low Tide a peut-être ses lacunes mais le film séduit dès les premières images. Trois adolescents nous fixent du regard. Ils sont assis dans une petite embarcation à moteur. L’un d’entre eux ajuste son cache-nez, pendant qu’un autre tire sur sa clope. Dans le silence du crépuscule, seuls retentissent les flots d’une mer calme. Que convoitent-ils ?
Le thème de l’eau, évoqué dans ce premier plan, sera repris tout au long de la narration cinématographique. La mer est omniprésente. On peut la remarquer en arrière-plan, dans un panorama, un reflet de lueur nocturne ou encore un travelling. Elle va même jusqu’à devenir l’élément visuel principal de l’affiche du film. Une étendue infinie, d’un bleu profond, souvent calme, lisse, quelques fois agitée par le vent qui se lève ou les rebondissements du bicoque utilisé par les adolescents pour rejoindre la péninsule. Cette mer, dont les marrées hautes et basses masquent et dévoilent ses secrets (une ancre, un trésor, un cadavre), devient la métaphore des masques que l’on revêt, que l’on enlève et que l’on remet au grès des situations. Tôt ou tard, même les choses les plus enfouies refont surface.

Une adolescence en quête d’identité.
La bourgade portuaire, où vivent les adolescents, est un lieu tranquille, loin des destinations touristiques. Ce n’est clairement pas l’effervescence balnéaire d’Amity Island que l’on retrouve dans le terrifiant chef-d’œuvre de Steven Spielberg. Ici, tout le monde se connaît. Les activités sont routinières : Ca roule des mécaniques devant les copains, on squatte le canapé, la fête foraine et le snack local sont un prétexte pour se retrouver et draguer… Le réalisateur nous replonge, avec une certaine nostalgie, dans l’insouciance de notre adolescence.
Tout comme Gus Van Sant l’avait fait avec Elephant – récit contemplatif et fataliste d’une jeunesse livrée à elle-même –, le script occulte volontairement la présence adulte. La seule figure paternelle, jouant un rôle prépondérant dans la construction identitaire de cette jeunesse, est celle du Sergent Kent. Les parents, quant à eux, demeurent absents. Une tragédie qui semble banale aujourd’hui où l’éducation n’est plus l’affaire des géniteurs mais des institutions. Pour autant, Low Tide ne se complait pas dans le pessimisme. Cette adolescence en mal d’aventure, c’est aussi nous, des adultes en quête d’accomplissement, cherchant à donner sens à nos vies au milieu du tumulte qui nous ronge. Cette crise identitaire prend peut-être d’autres formes en grandissant mais ne paraît jamais complètement nous quitter. Qui sommes-nous ? Cette question existentielle est soulignée par le Sergent, lors d’un interrogatoire. Il tente, avec une certaine compassion, de résonner Alan, suite à l’un des cambriolages : “ Les garçons resteront des garçons. Mais tu te retrouves à un âge crucial. Tu aimes les Comics ? […] Est-ce que tu as envie de devenir le héros ou le vilain ? Ca, je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que les vilains ne pensent jamais être mauvais. Ils trouvent leurs raisons et ils font une chose qui les conduit à une autre, qui les conduit à un million d’autres choses. ”
Cette scène soulève un point crucial et évident : personne ne souhaite mal finir. Pourtant cette bataille du bien et du mal est bien réelle, ancrée au plus profond de nos âmes, déchirées entre l’amour et la haine, la convoitise et la reconnaissance, l’orgueil et l’humilité. Nous devenons, malgré nous, la somme de toutes nos décisions.

La question de la fatalité.
Lors de leur dernière escapade nocturne, Alan et son frère, Peter, ont mis la main sur un sac de pièces d’or, planqué sous un plancher. Naturellement, ils se sont bien gardés d’en parler au reste du gang. Sous la lumière feutrée d’une lampe de chevet, allongés dans leurs lits, Peter demande à son frère : “ Tu ne penses pas que cet or soit maudit, pas vrai ? ” Ce dernier réplique alors : “ Non, on ne trouve ces foutaises que dans les contes. Les choses ne sont pas maudites, seules les gens le sont. ”
La réponse d’Alan fait alors écho au sermon qu’il a reçu lors de son arrestation. Ce ne sont pas les choses qui font de nous des êtres mauvais mais bien nos propres décisions. On revient alors à la question du cœur et de ses intentions. Pourquoi le cœur de l’homme s’acharne-t-il dans les dédales tortueux du compromis ? Pourquoi est-il si difficile de choisir entre le bien et le mal ? L’un des prophètes les plus connus de l’Ancien Testament, Jérémie, déclarait :
“ Le cœur est désespérément sombre et décevant, un puzzle que personne ne peut résoudre. Mais Moi, Dieu, Je sonde le cœur et examine les pensées. ” Jérémie 17:9 MSG
S’en remettre au divin serait-elle la clé ? Dans cette quête de bonheur ultime, nos incertitudes et nos échecs nous rappellent que l’Homme n’est peut-être pas fait pour l’indépendance. Et si nos limites n’étaient pas une fin en soi, mais bien une opportunité pour l’accomplissement du miracle ? Il n’en tient alors qu’à nous de céder nos cœurs au Créateur.
Crédits photos © A24
Magnifique !
très belle pensée
LOVE JC
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Tu as tout dit avec cette dernière phrase !
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Encore un bel article qui s’avère encore une fois nous mener à une réflexion individuelle et intérieure !
Merci Pascal!
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Les circonstances actuelles t ont elles influencé ? En tout cas le message est beau et profond, l appel subtilement amené ; une réussite
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J’ai adoré cette subtile transition vers la pensée de Dieu
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